Vous avez un cancer ? Bougez !

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Cela peut paraître fou. Complètement décalé. Inopportun. Incongru. Impossible. Pourtant, c’est une certitude : quand on est sous traitement contre un cancer, il est recommandé de pratiquer régulièrement une activité physique. Malgorzata Klass (ULB) explique pourquoi.

Voilà, c’est dit. Le médecin vient de vous expliquer que vous souffrez d’un cancer. Si, à ce moment-là ou dans les rencontres qui suivent, il (ou l’un des membres de l’équipe soignante) vous conseille de commencer ou de continuer à faire de l’exercice, ne le prenez pas pour un fou. Il a raison et il tient compte des recommandations actuelles : l’activité physique est un atout supplémentaire pour tous ceux qui affrontent cette maladie. « L’exercice, adapté à la personne et à ses traitements, ne peut apporter que du positif. Actuellement, l’activité physique est même considérée comme un traitement à part entière et un complément indispensable aux autres thérapies », assure Malgorzata Klass, chargée de cours à la faculté des sciences de la motricité ULB).

En combinant régulièrement à la fois un travail de renforcement musculaire et un autre destiné à augmenter l’endurance (voir l’encadré), « l’exercice permet de limiter plusieurs effets secondaires liés aux traitements et de récupérer plus rapidement » [1] [2], explique Malgorzata Klass.

Concrètement (et principalement) :

  • L’activité diminue la fatigue liée à la chimiothérapie et aux autres traitements. « Comme le disait une patiente, raconte Malgorzata Klass, ’après ma séance de sport, je suis fatiguée, mais je sais pourquoi, alors qu’avant, j’étais fatiguée tout le temps.’ »
  • Moins de fatigue et d’effets secondaires divers entraînent également une meilleure qualité de vie - un élément loin d’être négligeable - , avec des conséquences sur le moral, l’angoisse, la confiance et l’estime de soi.
  • Les études montrent aussi que « les patients qui ont une activité physique adhèrent mieux aux traitements », souligne Malgorzata Klass.
  • Pratiquer une activité physique adaptée permet de contrecarrer la perte de masse musculaire et la prise de masse grasse associées à certains traitements. Lorsque des traitements ont des impacts négatifs sur le cœur - un effet qui perdure une fois les traitements terminés -, des exercices adaptés permettront de récupérer plus rapidement une fonction cardiaque adéquate.
  • Quand la chirurgie laisse des tensions ou des douleurs au niveau des cicatrices, une perte de mobilité ou de force dans les membres supérieurs ou provoque des lymphœdèmes, quand l’hormonothérapie suscite des raideurs musculaires et articulaires (possibles aussi avec des chimiothérapies), une prise de poids et/ou une perte de masse osseuse, des exercices « adaptés » contribuent à diminuer ces effets.
  • De manière générale, et ce point est important, « l’exercice physique empêche le risque de déconditionnement physique qui menace les patients, précise Malgorzata Klass. Bouger leur parait difficile, donc ils le font de moins en moins, les mouvements deviennent de plus en plus ardus et la situation s’aggrave », détaille-t-elle. En contrecarrant les effets physiques négatifs des traitements, l’activité physique permet de sortir de ce cercle vicieux.

En plus de ces effets perceptibles pendant les traitements, l’exercice contribue à réduire la mortalité liée au cancer et aux autres facteurs de risque cardiovasculaires. « Parmi les personnes qui développent un cancer du sein ou du tube digestif, par exemple, un grand nombre présente un surpoids et/ou des dérèglements métaboliques [3]. Mais des études montrent que ceux et celles qui ont adopté l’exercice physique durant leurs traitements contre le cancer mais, aussi, qui l’ont poursuivi ensuite (voir l’encadré) bénéficient d’une baisse du risque de mortalité liée au cancer et aux autres facteurs de risque » [4] [5], détaille Malgorzata Klass.

Aucun doute : contre le cancer, l’activité physique mérite une médaille. Comme tous ceux qui ont compris pourquoi ils devaient entrer dans le mouvement...


A chacun ses séances

Pour certains, il va falloir se familiariser ou se re-familiariser avec une activité physique. Mais cela en vaut la peine : pendant un traitement contre le cancer, plus on pratique d’activité physique, plus l’effet positif qu’il est possible d’en retirer est important. L’objectif se situe à 3 entraînements par semaine - un rythme qui permet des adaptations progressives et contribue ensuite à maintenir le corps en mouvement – avec une durée adaptée en fonction de l’évolution de chacun.

Dans des salles de fitness, sous la conduite d’un personnel formé, de nombreux hôpitaux proposent des séances dont le suivi permet de bénéficier de tous les effets positifs de l’activité physique contre la maladie. Soyons clairs : il ne s’agit pas d’y faire « de l’occupationnel » mais bien de travailler l’endurance et le renforcement musculaire. Le tout sans exclure, parallèlement, de pratiquer de la marche ou toute autre discipline sportive que la personne apprécie...

Comme dans d’autres institutions, « à l’hôpital Érasme, pour chaque personne concernée, un bilan est effectué au préalable, avec des examens comme un test à l’effort, des tests de force, etc. Les résultats obtenus permettent de moduler l’intensité et la durée des séances d’entrainement en fonction des capacités de départ, précise Malgorzata Klass. Pour tous, il est aussi essentiel d’adapter les séances au jour le jour, en fonction des douleurs, de l’état physique, de la forme ou de la méforme le lendemain d’un traitement. »

De même, les problèmes sensitifs (assortis d’éventuelles douleurs) et d’équilibre provoqués par certains traitements sont pris en compte." Bien entendu, les contre-indications dues à certains effets secondaires des traitements sont respectées mais, souvent, elles ne sont que temporaires. Retour, donc, à la case départ : avec un cancer, on bouge...


Avant, pendant, après : l’activité n’a pas de limite...

Pendant longtemps, on a souvent « oublié » de se préoccuper de la qualité de vie des survivants du cancer et/ou de les motiver à rester actifs. Mais, tout comme l’époque où on négligeait l’activité physique pendant les traitements, cette période devrait être révolue. En effet, explique Malgorzata Klass, les études prouvent qu’en entrant dans des programmes d’entraînement adaptés et en les poursuivant une fois les traitements terminés, on réduit, aussi, les conséquences des traitements sur le long terme, on améliore la qualité de vie des personnes et on facilite leur retour à la vie normale.

Logiquement, au cours des séances pratiquées avec les conseils de professionnels formés, la personne a appris à être indépendante dans sa pratique sportive. Donc, même si les équipes médicales et paramédicales ne sont plus présentes, sa motivation doit rester identique : il est démontré que l’activité physique - qui est aussi un bon outil de prévention primaire du cancer - diminue les risques de développer de 10 à 40 % des cancers [6].

« Même lorsque les traitements ont laissé des séquelles, comme par exemple des lymphœdèmes, l’activité physique n’est pas contre-indiquée, rappelle Malgorzata Klass. Des exercices progressifs, adaptés aux évolutions de la situation et réalisés avec le port d’une contention, contribueront à augmenter la fonctionnalité du membre atteint. Et cela améliorera la vie quotidienne de la personne... »

Article rédigé par notre journaliste santé Pascale Gruber

Mis à jour le 12/11/2020