Consommation d’alcool chez les ados de 10 à 14 ans en Région wallonne.

La consommation d’alcool est très courante parmi les adolescents et adultes européens [1, 2]. Cette pratique n’est pourtant pas sans risque puisqu’elle est reconnue comme étant une cause majeure de mortalité, morbidité et handicap. Elle peut notamment conduire à une dépendance à l’alcool, des maladies du foie, certains cancers, des troubles neuropsychiatriques, des accidents, des maladies cardiovasculaires… [1].

Chez les jeunes adolescents, la consommation d’alcool peut avoir des répercussions négatives et irréversibles sur le développement de leur cerveau [3]. L’éthanol étant une petite molécule, elle peut facilement traverser la membrane plasmatique et se diffuser dans les tissus cérébraux, pouvant ainsi entrainer des troubles de l’attention ou de la mémoire à court-terme [3]. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que les adolescents ingèrent souvent de grandes quantités d’alcool durant leurs premières expériences en raison d’une faible sensibilité à l’éthanol [4].

Une consommation précoce d’alcool peut également affecter la qualité de vie future de ces jeunes adolescents. En effet, une initiation précoce à l’alcool, lorsqu’elle est comparée à une initiation après l’âge de 15 ans, est associée à une augmentation de la fréquence et de la quantité d’alcool consommé, et à une augmentation des problèmes liés à l’alcool, en fin d’adolescence et au début de l’âge adulte [5].

Consommation récente d’alcool des adolescents âgés de 10 à 14 ans en Région wallonne

L’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) fournit, entre autres, des informations sur la consommation d’alcool chez les adolescents en Région wallonne. Dans cette enquête, une consommation récente d’alcool a été définie par le fait d’avoir consommé de l’alcool au moins un jour au cours des 30 jours précédant l’enquête.

En 2014, 22% des adolescents de 10-14 ans (23% de garçons et 20% de filles) avaient déclaré avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête. Globalement, des disparités provinciales ont été observées, avec les prévalences les plus élevées dans les provinces de Liège et de Luxembourg et les plus basses dans le Brabant wallon et la province de Namur (Figure 1). Quelle que soit la province, les garçons étaient proportionnellement plus nombreux à avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête (Figure 1).

Figure 1. Prévalences de la consommation récente d’alcool chez les 10-14 ans en Wallonie, en fonction du genre et de la province

Facteurs sociodémographiques et psychosociaux associés à la consommation précoce d’alcool

Les études visant à identifier les déterminants de la consommation d’alcool des jeunes adolescents de moins de 15 ans, et particulièrement de moins de 12 ans, sont peu nombreuses [6]. Les déterminants relatifs à la sphère familiale et sociale sont ceux qui ont été le plus étudiés. La consommation d’alcool des parents et des amis, le fait de ne pas vivre avec ses deux parents biologiques, l’attitude favorable des parents envers l’alcool ou les mauvaises relations parents-enfant, ont, entre autres, été identifiés comme étant des facteurs de risque de consommation précoce d’alcool [7-9].

L’analyse des données fournies par l’enquête HBSC a montré que certains facteurs sociodémographiques et psychosociaux étaient associés à la consommation d’alcool chez les adolescents de 10-14 ans en Région wallonne.

  • Facteurs sociodémographiques : les adolescents issus de familles ayant un niveau d’aisance matérielle élevé par rapport à ceux de niveau faible ou moyen étaient plus susceptibles d’avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête. C’était le cas également des adolescents qui étaient nés en Belgique et dont les deux parents étaient nés en Belgique, par rapport aux adolescents ayant des origines étrangères.
  • Facteurs psychosociaux : les résultats ont montré que les jeunes adolescents qui avaient des interactions sociales plus fréquentes étaient plus susceptibles d’avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête. Ainsi, le fait de communiquer avec des ami·e·s via les réseaux sociaux au moins une fois par semaine ainsi que le fait de sortir avec des ami·e·s après les cours au moins une fois par semaine étaient significativement associés à la consommation d’alcool.

Les analyses ont également permis de mettre en évidence des disparités de genre.

  • En effet, à la différence des filles, la satisfaction par rapport à l’école était significativement associée à la consommation d’alcool chez les garçons. Moins les garçons aimaient l’école, plus ils étaient nombreux à avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête.
  • Chez les filles uniquement, la structure familiale et la satisfaction par rapport à la vie étaient associées à la consommation d’alcool. Celles qui vivaient en famille recomposée et celles dont la satisfaction par rapport à la vie était peu élevée étaient plus enclines à avoir consommé de l’alcool au cours des 30 jours précédant l’enquête.

Compte tenu des prévalences de consommation d’alcool au cours des 30 derniers jours chez les adolescents âgés de 10-14 ans, il apparait nécessaire d’y apporter une attention particulière étant donné les conséquences délétères accrues auxquelles sont exposés ces jeunes adolescents par rapport à leurs ainés [3-5].

Des stratégies d’intervention seraient à développer pour agir sur un certain nombre de facteurs de risque de consommation précoce d’alcool comme ceux identifiés dans cette étude ; cependant, tous ne sont pas modifiables comme la structure de la famille. Néanmoins, les identifier permet de cibler les jeunes adolescents les plus à risque et d’adapter en conséquence les messages de prévention.

Ces données sont issues du rapport « Consommation d’alcool chez les adolescents de 10 à 14 ans en Région wallonne : Associations avec les facteurs sociodémographiques et psychosociaux en fonction du genre de l’adolescent », disponible sur le site internet du Sipes

Article rédigé par Camille Pedroni,
Assistante de recherche au Service d’Information Promotion Education Santé (SIPES)
Université Libre de Bruxelles – Ecole de Santé Publique

Références :

1. World Health Organization (WHO). Global status report on alcohol and health. 2014. Geneva : WHO. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/112736/9789240692763_eng.pdf;jsessionid=EFAE557ABD4883B2755CB42F7E8C0D88?sequence=1
2. Kraus L, Guttormsson U, Leifman H et al. ESPAD Report 2015. Results from the European School Survey Project on alcohol and other drugs. ESPAD and EMCDDA. Luxembourg. Publications Office of the European Union. 2016. http://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/3074/ESPAD_report_2015.pdf
3. Squeglia LM, Jacobus J, Tapert SF. The effect of alcohol use on human adolescent brain structures and systems. Handb Clin Neurol. 2014 ;125:501–10.
4. Tapia-Rojas C, Mira RG, Torres AK et al. Alcohol consumption during adolescence : A link between mitochondrial damage and ethanol brain intoxication. Birth Defects Res. 2017 ;109:1623–39.
5. Guttmannova K, Hill KG, Bailey JA, et al. Examining explanatory mechanisms of the effects of early alcohol use on young adult alcohol dependence. J Stud Alcohol Drugs. 2012 ;73:379–90.
6. Visser L, de Winter AF, Vollebergh WAM, Verhulst FC, Reijneveld SA. Do child’s psychosocial functioning, and parent and family characteristics predict early alcohol use ? The TRAILS Study. Eur J Public Health. 2015 ;25:38–43.
7. Donovan JE. Adolescent alcohol initiation : a review of psychosocial risk factors. J Adolesc Health. 2004 ;35:529.e7-18.
8. Yap MBH, Cheong TWK, Zaravinos-Tsakos F, Lubman DI, Jorm AF. Modifiable parenting factors associated with adolescent alcohol misuse : a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies. Addiction. 2017 ;112:1142–62.
9. Branstetter SA, Low S, Furman W. The influence of parents and friends on adolescent substance use : A multidimensional approach. J Subst Use. 2011 ;16:150–60.

Mis à jour le 08/06/2021