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Activité physique des ados selon le statut migratoire : des nuances selon le genre
L’augmentation du taux de surpoids et d’obésité chez les adolescents figure parmi les préoccupations grandissantes en Belgique et dans le monde [1] [2]. La pratique insuffisante d’une activité physique (AP) figure parmi les nombreux facteurs identifiés contribuant au risque d’obésité [3] Durant l’adolescence, la participation à une AP régulière à tendance à diminuer, ce qui constitue un facteur de risque d’obésité [4]. Pourtant, il s’agit d’une période cruciale pour l’apprentissage et l’adoption de comportements favorables à la santé, telle que l’AP régulière. Celle-ci comporte d’ailleurs de nombreux autres bénéfices pour la santé et le bien-être chez les enfants et adolescents. En effet, selon la littérature, l’activité physique contribue, entres autres, au développement cognitif, musculaire et osseux des enfants et adolescents [5] [6]. Par ailleurs, des études ont montré que l’AP régulière et la pratique sportive améliorent la santé cardiovasculaire des jeunes [7]. De plus, ces activités pratiquées durant l’enfance sont également associées à une pratique d’AP et un état de santé plus favorables à l’âge adulte.
Une activité physique régulière, mais à quelle fréquence ?
Selon les dernières recommandations de l’OMS [8], les enfants âgés de 5 à 17 ans devraient pratiquer une activité physique d’intensité modérée à soutenue, au moins 60 minutes par jour et ce tout au long de la semaine. Par ailleurs, une activité physique - principalement aérobique- d’intensité soutenue, ainsi que des exercices permettant de renforcer le système osseux et musculaire, devraient être intégrés au moins trois fois par semaine. Ces recommandations soulignent l’importance d’encourager tous les enfants et adolescents à pratiquer des activités physiques variées, amusantes et adaptées, ainsi que de donner à chacun des occasions sûres et équitables pour les pratiquer[8].
En 2018, en Belgique francophone, seuls 11% des adolescents pratiquaient une activité physique considérée comme suffisante, à savoir, une activité physique quotidienne d’au moins une heure combinée à la pratique sportive au moins trois fois par semaine [9]. De plus, seul un jeune sur deux déclarait pratiquer une activité sportive au moins trois fois par semaine[9]. Globalement, la pratique d’une activité physique d’intensité modérée à soutenue au moins une heure par jour a diminué entre 2006 et 2018 en Belgique francophone [10].
Il existe néanmoins des inégalités liées à ces pratiques, notamment selon le genre. A titre d’exemple, en 2018, les garçons belges francophones étaient plus nombreux que les filles à pratiquer une activité physique régulière et un sport trois fois par semaine [9]. La littérature suggère qu’il existe également des inégalités liées au statut migratoire, ces inégalités semblant se différencier chez les filles et les garçons [11]. En 2014, en Région de Bruxelles Capitale, la pratique quotidienne d’AP ne variait pas selon le statut migratoire, quel que soit le genre. Cependant, la pratique sportive deux fois par semaine était moins fréquente chez les filles issues de la migration que chez les filles autochtones, tandis que cette pratique ne variait pas selon le statut migratoire chez les garçons [12].
De manière générale, il existe peu d’études récentes sur ces disparités liées à l’AP : à notre connaissance, au-delà de ces premières analyses réalisées à Bruxelles, il n’ y en a aucune en Belgique francophone. Ainsi, notre analyse a pour objectifs de documenter les pratiques liées à l’AP selon le statut migratoire et les éventuelles différences selon le genre liées à ces disparités chez les adolescents scolarisés en Belgique francophone. Ce, en tenant compte de caractéristiques sociodémographiques tels que le niveau socio-économique, l’âge, la structure familiale et le niveau d’éducation de la mère.
L’enquête HBSC 2018 en Belgique francophone
L’enquête HBSC 2018 en Belgique francophone a permis de mesurer, entres autres, le statut migratoire ainsi que les pratiques sportives et d’activité physique des enfants et adolescents scolarisés de la 5e primaire à 7e secondaire. Les résultats présentés ci-dessous sont présentés pour les élèves du secondaire uniquement. Ainsi, les données de 8635 adolescents âgés de 12 à 20 ans ont été utilisées pour ces analyses.
Statut migratoire :
Le statut migratoire a été déterminé sur base du pays de naissance de l’élève ainsi que celui de ses parents et est présenté en trois catégories :
• Autochtone : adolescent né en Belgique avec les deux parents nés en Belgique ;
• Migrant de 2e génération : adolescent né en Belgique avec au moins un des deux parents né à l’étranger ;
• Migrant de 1e génération : adolescent né à l’étranger avec au moins un des deux parents né à l’étranger.
Activité physique :
L’activité physique a été étudiée à l’aide de deux indicateurs :
• La pratique sportive : c’est-à-dire la pratique d’un sport au moins trois fois par semaine.
• L’activité physique globale : les élèves pratiquant un sport au moins trois fois par semaine et étant physiquement actifs au moins 60 minutes chaque jour, ont été considérés comme ayant un niveau d’activité́ physique global suffisant.
L’activité physique moins fréquente parmi les migrants de 2e génération
En 2018, en Belgique francophone, l’activité physique variait selon le statut migratoire et était la moins fréquente chez les migrants de 2e génération (Figure 1). En effet, le fait d’avoir un niveau d’activité physique global suffisant était moins fréquent chez les migrants de 2e génération, intermédiaire parmi les autochtones et le plus fréquent parmi les migrants de 1ère génération. En ce qui concerne la pratique sportive au moins trois fois par semaine, la proportion était la plus faible parmi les migrants de 2e génération, intermédiaire parmi ceux de 1ère génération et la plus élevée parmi les autochtones (Figure 1).
Figure 1 : Niveaux d’activité physique des adolescents âgés de 12 à 20 ans scolarisés en Belgique francophone selon le statut migratoire
Une pratique sportive plus favorable chez les garçons migrants de 1e génération et chez les filles autochtones
Après avoir tenu compte des caractéristiques sociodémographiques, nos résultats montrent que l’association entre le statut migratoire et la pratique sportive au moins trois fois par semaine variait différemment chez les garçons et les filles séparément. En effet, chez les garçons, les migrants de 1e génération étaient plus enclins à déclarer une telle pratique, que les autochtones et les migrants de 2e génération. A l’inverse, les filles autochtones étaient, quant à elles, plus enclines à faire du sport au moins trois par semaine que celles ayant une histoire migratoire (Figure 2).
Figure 2 : Pratique sportive au moins trois fois par semaine selon le genre et le statut migratoire
A première vue, aucune différence entre les filles et les garçons n’était observée pour le niveau d’activité physique global suffisant selon le statut migratoire. Néanmoins, des analyses approfondies, ajustées pour les caractéristiques sociodémographiques, ont montré que l’AP global suffisant ne variait pas statistiquement selon le statut migratoire chez les filles, tandis que les garçons migrants de 1ère génération étaient plus enclins à atteindre ce niveau que ceux de 2e génération (Figure 3). Ce constat est probablement à mettre en relation avec les pourcentages globalement très faibles chez les filles.
Figure 3 : Niveau d’activité physique global suffisant selon le statut migratoire et le genre
Globalement, nos résultats montrent qu’en Belgique francophone, la pratique globale d’AP était plus fréquente chez les migrants de 1ère génération tandis que la pratique sportive étaient plus courante chez les autochtones. Selon la littérature, une explication face à ce constat serait relative à l’accès financier voire géographique aux activités structurées, plus limité parmi les populations issues de la migration [11]. Bien qu’il ne soit pas possible de vérifier cette hypothèse, nos résultats suggèrent que ces freins pourraient toucher particulièrement les adolescentes migrantes, quelles que soient la génération de migration, et les garçons migrants de 2ème génération en particulier.
De manière inquiétante, plusieurs études ont rapporté que la crise sanitaire actuelle impactait négativement l’AP des adolescents, notamment en diminuant les opportunités pour être actif et augmentait le risque d’obésité, tout en insistant sur l’importance, plus que jamais, de promouvoir l’activité physique auprès des adolescents [13] [14]. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que les adolescents issus de la migration étaient plus à risque de développer un surpoids ou une obésité. Étant donné que l’AP régulière est associée à une réduction du risque d’obésité, il semble important de prévoir des actions ciblées de promotion d’une AP chez les adolescents, tout en tenant compte des spécificités liées aux genre et au statut migratoire. Des initiatives encourageant la participation à des activités structurées accessibles et adaptées aux besoins et goûts de chacun devraient être développées et évaluées.
Article rédigé par : Emma Holmberg
Assistante de recherche au Service d’Information Promotion Education Santé (SIPES) Université Libre de Bruxelles - Ecole de Santé Publique