Face au stress scolaire : mieux dormir, bouger, se détendre
Selon l’enquête internationale HBSC, le stress scolaire est particulièrement élevé chez les adolescents de Belgique francophone par rapport à ceux des pays limitrophes notamment [1]. Après une période de stabilité entre 1994 et 2010, la proportion d’adolescents belges francophones du secondaire déclarant être stressés par leur travail scolaire est passée de 26 % en 2010 à 43 % en 2018 [2], ce qui constituait un sujet d’inquiétude avant même la pandémie de Covid-19. Les filles sont particulièrement touchées par cette source de mal-être2. Compte tenu de son ampleur, on peut s’interroger sur les liens potentiels du stress scolaire avec l’hygiène de vie, éventuellement différente selon le genre.
Des études ont montré que la pression ressentie par les élèves concernant leur travail scolaire, était associée à des comportements défavorables à la santé et au développement. Elles ont également montré une association avec la persistance de plaintes somatiques (maux de tête et de dos, douleurs abdominales, vertiges…) et psychologiques (tristesse, nervosité, fatigue, sentiment de déprime…) [3] [4] [5]. [6]. Par ailleurs, le stress mesuré de façon globale (et non spécifique au stress scolaire) a été associé à une durée courte de sommeil chez des adolescents du secondaire [7]. Les relations entre activité physique et stress ressenti sont également bien documentées [8], mais celles avec la sédentarité sont moins bien établies [9]. La majorité des études ont porté sur le stress de façon générale, mais rares sont celles s’intéressant au stress scolaire, notamment en lien avec le travail demandé par l’école.
Cet article s’intéresse aux comportements de santé potentiellement associés au stress vis-à-vis du travail scolaire, et pouvant eux-mêmes avoir un effet sur l’état de santé physique et psychique des adolescents belges francophones, c’est-à-dire le sommeil, l’activité physique et la sédentarité.
- Le sommeil est décrit selon trois dimensions : les difficultés à s’endormir plus d’une fois par semaine, la fatigue matinale au moins une fois par semaine, et une durée de sommeil suffisante. Pour celle-ci, les recommandations de la National Sleep Foundation [10] ont été utilisées pour identifier les adolescents ayant un temps de sommeil suffisant : 9 heures pour les adolescents de moins de 14 ans et 8 heures pour ceux de 14 ans et plus.
- Un niveau d’activité physique globale suffisant correspond aux adolescents pratiquant un sport au moins trois fois par semaine et étant physiquement actifs au moins 60 minutes chaque jour. La sédentarité est décrite selon le nombre d’heures passées devant la télévision, à jouer à des jeux vidéo et à utiliser internet.
En 2018, un élève du 2e et 3e degré du secondaire sur six (17,9 %) se déclarait « beaucoup stressé » par le travail scolaire, et 27,8 % se déclaraient « assez stressés ».
Des caractéristiques sociodémographiques étaient associées au stress lié au travail scolaire. En effet, les filles (26,0 %), les élèves de l’enseignement général et technique de transition (20,4 %), les élèves des niveaux supérieurs (20,0 % en 5e année et 21,5 % en 6e-7e) et les élèves immigrants de première génération (22,6 %) avaient davantage tendance à se déclarer « beaucoup stressés » par le travail scolaire.
La fréquence du stress vis-à-vis du travail scolaire variait selon les difficultés à s’endormir, la fatigue matinale et, dans une moindre mesure, selon la durée de sommeil (Figure 1). En effet, près d’un quart des élèves se disaient « beaucoup stressés » lorsqu’ils déclaraient également des difficultés à s’endormir plus d’une fois par semaine. Parmi les élèves ressentant une fatigue matinale plus d’une fois par semaine, la moitié déclaraient être « assez » ou « beaucoup » stressés par le travail scolaire, contre un tiers de ceux ressentant une fatigue matinale rarement ou de temps en temps (Figure 1).
Figure 1 : Niveau de stress scolaire des élèves du 2e et 3e degré du secondaire en Belgique francophone selon leur sommeil (difficultés à s’endormir, fatigue matinale et durée de sommeil).
En ce qui concerne les activités de loisir, les élèves ayant une activité physique globale insuffisante, mais aussi ceux passant moins de 2 heures devant la télévision et jouant moins de 2 heures aux jeux vidéo, ressentaient plus fréquemment beaucoup de stress vis-à-vis du travail scolaire (Figure 2). En revanche, le temps passé sur internet n’était pas associé au stress scolaire.
Figure 2 : Niveau de stress des élèves du 2e et 3e degré du secondaire en Belgique francophone selon leur niveau d’activité physique globale et leur utilisation des écrans.
En tenant compte des caractéristiques sociodémographiques dans les analyses, un stress scolaire élevé (« assez » ou « beaucoup stressés ») restait plus fréquent chez ceux ressentant des difficultés à s’endormir ou de la fatigue matinale. En revanche, le temps passé devant la télévision et sur les jeux vidéo n’était plus associé au stress scolaire. L’association avec la durée de sommeil, quant à elle, pourrait être différente chez les filles et les garçons. Alors que les garçons dormant suffisamment se déclaraient plus souvent « assez stressés » plutôt que peu ou pas stressés, il n’y avait pas de variation chez les filles.
En conclusion, les élèves des 2e et 3e degrés du secondaire se déclarent plus stressés lorsqu’ils ont également des problèmes de sommeil et qu’ils pratiquent un activité physique globale insuffisante. Il reste important de signaler que, cette étude étant transversale, aucune conclusion de cause à effet ne peut être tirée ; il est probable que les relations soulignées ici soient en grande partie bilatérales.
Néanmoins, la concomitance du stress scolaire avec les problèmes de sommeil et la moindre présence d’activités de loisir est intéressante à souligner. En effet, une étude a rapporté que les adolescents se déclarant stressés par l’école avaient moins tendance à déclarer des problèmes de santé, s’ils avaient par ailleurs une activité physique de loisirs chaque semaine ou plus souvent [11].. Dans le cadre de la promotion de la santé auprès des adolescents, la prise en compte simultanée de ces différents déterminants de leur santé ouvre une perspective intéressante en vue d’améliorer leur bien-être.
L’ensemble des résultats de l’étude HBSC sont disponibles sur le site du SIPES : https://sipes.ulb.ac.be/
Article rédigé par : Caroline Mertens, Assistante de recherche au Service d’Information Promotion Éducation Santé (SIPES) - Université Libre de Bruxelles - École de Santé Publique, avec la contribution d’Estelle Pournaras