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Je fais pas du sport, j’fais la révolution
Carton rouge : j’ai craqué et j’ai fait la liste de mes "bonnes résolutions" pour 2017. Bien entendu, très haut dans le classement, figure le mythique "Faire du sport". Après tout, ce serait trop bête de se priver d’une décision qui, allez savoir, peut mener à la célébrité...
Ben oui. Tiens, par exemple, des footballeurs célèbres, on en connaît. Des tas. Alors voilà, pour être connu, y a qu’à faire footballeur. Sauf que là, comme à l’impossible nul n’est tenu, je vais devoir faire "footballeuse". Et ça, ça craint. Parce que les femmes et le sport, ce n’est pas forcément une grande histoire d’amour et de vedettariat. En foot, comme pour (presque) tous les autres sports, c’est à croire qu’on est invisibles.
C’est simple, il suffit de savoir compter : 14 % d’hommes fréquentent tous les jours un club de sports. Et 6 % de femmes. De plus, certains sports sont quasi réservés aux mecs. Pas le yoga, l’équitation, le patinage artistique ou la gymnastique, où vos potes de sueur vont plus souvent s’appeler Marie, Julie, Sarah, Yasmina que Kevin ou Thomas. Pas pour l’athlétisme, la natation, le volley et le ski, où il y a moyen de partager le terrain. Mais, pour tout le reste... les hommes occupent la place, poussez-vous. Ou faites-vous discrètes. Ou ne venez pas, puisque vous cumulez des horaires impossibles et que vous culpabilisez dès que vous "volez" une heure pour vous...
D’ailleurs, pour les médias aussi, du côté des femmes, y a rien à voir. En dehors de quelques grandes "winneuses" comme Justine, Kim, Nafissatou et quelques autres, on s’y intéresse éventuellement quand les hommes des équipes nationales sont nuls ou décevants. Une étude réalisée par les Femmes Prévoyantes Socialistes a montré que sur les 49 minutes de l’une des émissions du WE sportif (RTBF), 4 secondes avaient été données en temps de parole à une sportive. Plus deux minutes à des spectatrices. Et dans les médias écrits ? Pas mieux. En gros, seul 10 à 15 % de l’espace médiatique est consacré à quelques sportives "élues". Trop d’honneur, mes seigneurs...
De plus, quand les médias parlent des femmes sportives de haut niveau, parfois, on préfèrerait qu’ils la bouclent. Une étude réalisée sur 10 ans par l’Université de Cambridge montre que les mots les plus accolés aux athlètes féminines sont : "(son) âge, enceinte, mariée (ou non mariée)". Et pour eux ? "Forts, rapides et grands". A l’arrivée, pour l’égalité, inutile de prendre une photo.
D’autres exemples ? Aux derniers JO, à Rio, le quotidien français "L’Equipe", à propos d’une judoka, qualifiée de "très belle", a écrit "qu’on pourrait la voir ailleurs que sur un tapis de combat" (euh, où ? Ah mais oui, suis-je bête : dans "sa" cuisine, probablement...). Merci, aussi, pour le grand moment d’émoi dû aux commentateurs télé qui ont jugé les "femmes rugbymen françaises plus jolies que les américaines". Ou qui se sont exclamé : "ah, ça pleure chez les gonzesses". Ou qui ont demandé à une rameuse "si l’eau n’abîmait pas les cheveux". Pa-thé-ti-que ! Pourtant, assure Lyse Burion, journaliste au service sport de la RTBF, ça bouge ! A pas lents, mais ça bouge. Et même si les sponsors, eux, ne sont toujours pas au rendez-vous pour soutenir les femmes dans le sport...
Alors voilà, c’est décidé : comme c’est pas mon genre de laisser perdurer les stéréotypes, les discriminations et les préjugés de genre, j’ai (enfin) trouvé une bonne raison de bouger cette année. Où sont mes chaussures à crampons ? Faites gaffe, ça va décoiffer ! (non, cette remarque n’est pas sexiste. Y avait qu’à voir les apprêts capillaires des footballeurs aux derniers JO...).
Quelques références
Les chiffres, citations et analyses (un merci particulier à Julie Gillet) de ce texte s’inspirent de la journée d’étude "Les femmes, des sportifs comme les autres", organisée par les FPS (Femmes Prévoyantes Socialistes) le 17 septembre 2016 pour lancer une campagne sur ce thème, dont des témoignages sur le site Paroles de Championnes
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