Les ados moins aisés font moins d’activité physique et sont plus sédentaires.
Il est maintenant largement reconnu que l’activité physique (AP) comporte de nombreux bénéfices pour la santé et le bien-être des adolescents et qu’elle contribue à leur développement physique et mental [1] [2]. Au contraire, le manque d’activité physique et la sédentarité constituent des facteurs de risque pour la santé des ados, dont fait partie l’obésité [3].
Selon les recommandations de l’OMS, les enfants et adolescents âgés de 5 à 17 ans devraient accumuler au moins 60 minutes par jour d’AP d’intensité modérée à soutenue ; les activités d’intensité soutenue, notamment celles qui renforcent le système musculaire et l’état osseux, devraient être incorporées trois fois par semaine. A l’inverse, les activités sédentaires devraient être limitées, en particulier les temps d’écrans [4].
Mais les adolescents sont-ils tous égaux vis-à-vis de ces comportements de santé ? En 2018, en Belgique francophone, des différences selon le genre étaient observées pour la pratique d’un sport et d’une activité physique en faveur des garçons [5]. En revanche, les résultats étaient plus nuancés pour les comportements sédentaires : les garçons étaient proportionnellement plus nombreux à regarder la TV et à jouer aux jeux-vidéos plus de deux heures par jour en semaine, tandis que les filles étaient plus nombreuses à utiliser internet[5].
Au-delà des inégalités liées au genre, des études rapportent également des inégalités sociales liées à l’AP et la sédentarité, au détriment des adolescents ayant un niveau socio-économique plus faible [6] [7]. Pourtant, les comportements favorables à la santé, tels que l’activité physique et acquis pendant l’adolescence ont tendance à persister à l’âge adulte [8]. Ainsi, l’adolescence constitue-t-elle une période charnière pour mener des actions de promotion d’une AP régulière et de réduction de la sédentarité chez les adolescents. Ce, afin de réduire les inégalités sociales et les risques liés à la santé qui y sont associés, à l’adolescence et à l’âge adulte.
Des inégalités socio-économiques observées chez les adolescents scolarisés en Belgique francophone : données de l’enquête HSBC 2018
En 2018, l’enquête HBSC auprès de plus de 14 000 élèves scolarisés de la 5e primaire à la 7e secondaire en Belgique francophone a, entre autres, permis de décrire les pratiques d’activité physique et les comportements sédentaires des adolescents en fonction de leur niveau d’aisance matérielle.
Les scores ont ensuite été répartis en trois catégories : (1) FAS faible, (2) FAS moyen et (3) FAS élevé. Les élèves pratiquant un sport au moins trois fois par semaine et étant physiquement actifs au moins 60 minutes chaque jour, ont été considérés comme ayant un niveau d’activité́ physique global suffisant.
Les comportements sédentaires ont quant à eux été évalués à l’aide de trois questions sur les temps d’écrans :
• regarder la télévision et des vidéos (y compris sur YouTube)
• jouer à des jeux vidéo sur console, tablette, ordinateur, GSM…
• utiliser internet pour communiquer, surfer, chercher de l’information, faire ses devoirs.
Pour chaque temps d’écran, les élèves ayant une utilisation de plus de deux heures par jour en semaine étaient considérés comme sédentaires.
Des inégalités socio-économiques qui diffèrent selon le type d’activité physique
En 2018, en Belgique francophone, un gradient socio-économique a été observé pour la pratique d’un sport et les transports actifs (Figure 1). La pratique d’un sport au moins trois fois par semaine avait tendance à diminuer lorsque le niveau d’aisance matériel (FAS) diminuait : la proportion était la plus élevée parmi les élèves avec un FAS élevé, intermédiaire parmi ceux avec un FAS moyen et la plus faible chez ceux avec un FAS faible (Figure 1). Les élèves les plus aisés étaient également plus nombreux à avoir une activité physique suffisante (15%), les proportions étant, en revanche, comparables entre les élèves de FAS moyen et faible (environ 10%) (Figure 1). Un gradient inverse était observé pour les transports actifs : les élèves avec un FAS faible utilisaient plus souvent un moyen de transport actif pour se rendre à l’école le matin que ceux ayant un FAS moyen ou élevé (Figure 1).
Des comportements sédentaires plus fréquents chez les adolescents moins aisés
Un gradient socio-économique défavorable aux élèves ayant un niveau socio-économique faible a également été observé pour les comportements sédentaires. En effet, le fait de regarder la télévision, de jouer aux jeux vidéo ou d’utiliser internet plus de deux heures par jour en semaine était plus fréquent parmi les élèves ayant un niveau socio-économique faible, intermédiaire parmi les élèves ayant un niveau socio-économique moyen, et moins fréquent chez ceux ayant un niveau socio-économique élevé (Figure 1).
Figure 1 : Activité physique et sédentarité selon le niveau d’aisance matérielle (FAS)
Des inégalités selon le niveau d’aisance matérielle et le genre
En 2018, de la même manière que la distribution globale présentée dans la Figure 1, un gradient socio-économique pour l’activité physique et la sédentarité était observé chez les garçons et les filles séparément. Cependant, ce gradient était plus marqué chez les filles pour la pratique de jeux vidéo plus de deux heures par jour en semaine (Figure 2) et l’utilisation d’un transport actif pour se rendre à l’école le matin (Figure 3).
Figure 2 : Proportions d’élèves jouant à des jeux vidéo plus de deux heures par jour en semaine (%), en fonction du niveau d’aisance matérielle (FAS) et du genre. Par exemple, les filles ayant une aisance matérielle faible étaient environ deux fois plus nombreuses à utiliser un moyen de transport actif pour se rendre à l’école le matin que celles avec une aisance matérielle élevée (Figure 3). Chez les garçons, l’utilisation d’un transport actif était une fois et demi plus fréquente chez ceux ayant un niveau socio-économique faible, et comparable entre les élèves ayant un niveau socio-économique moyen et élevé (environ un élève sur 5) (Figure 3).
Figure 3 : Proportions d’élèves utilisant un transport actif pour se rendre à l’école le matin (%), en fonction du niveau d’aisance matérielle (FAS) et du genre
Nos résultats rappellent l’existence d’inégalités sociales liées à l’activité physique et la sédentarité, chez les adolescents scolarisés en Belgique francophone. Globalement, en 2018, les élèves financièrement aisés avaient une activité physique et des comportements sédentaires plus favorables que les élèves moins aisés, à l’exception des modes de transport. De plus, ce gradient socio-économique était plus marqué chez les filles, notamment pour les transports actifs et les jeux vidéo plus de deux heures par jour en semaine.
Les transports actifs sont un type d’activité physique peu couteux qui contribue, de façon importante, au niveau d’activité physique global et à la santé des adolescents [9]. D’ailleurs, l’environnement physique, tel que l’accès à des espaces verts, à des infrastructures sportives et à des pistes cyclables, est considéré comme l’un des déterminants importants de l’AP [10]. Ainsi, assurer la mise à disposition d’environnements favorables à l’AP, c’est à dire à des installations favorisant l’AP, y compris la marche et le vélo pour les transport actifs, en toute sécurité permettrait d’offrir, éventuellement, des alternatives aux écrans et de promouvoir une AP favorable à la santé.
Les résultats de cette enquête informent les acteurs de promotion de la santé œuvrant auprès de cette population et leur permettent ainsi d’adapter leurs actions visant à réduire les inégalités sociales de santé.
Les résultats complets de l’enquête HBSC sont disponibles par brochures thématiques sur le site web du Sipes : https://sipes.ulb.ac.be . Les résultats relatifs aux inégalités sociales de santé seront prochainement publiés et seront également disponibles sur notre site web.
Article rédigé par Emma Holmberg, chercheuse au Service d’Information, Promotion, Éducation Santé (SIPES), École de Santé Publique, Université Libre de Bruxelles.